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Il était une première fois

Écrit par Yann-Yves Biffe.

La génération Nutella se lance dans la vie, explorant toutes les 1ères fois qui marquent l'entrée dans l'exercice des responsabilités, tout en gardant ses repères d'enfance... C'est le moment de capitaliser une relation avec ces jeunes adultes, et pas seulement pour les marques commerciales. Les collectivités peuvent elles aussi saisir ce moment charnière dans la vie de ces nouveaux consommateurs/citoyens, et pas seulement pour les inviter à voter.

 Les études ont l'habitude de classer les populations en groupes d'âges. C'est assez pratique et politiquement correct avec des chiffres : les 10 -15 ans, les 18 - 25 ans, les 55 – 65 ans, les 75 ans et plus (autrement appelés les enfants, les jeunes, les vieux, les entre les deux, les vraiment trop vieux, les vraiment trop jeunes n'étant pas enquêtés).
Ca arrange tout le monde mais c'est assez trompeur, les groupes d'âges étant assez hétérogènes. Plus que l'âge, il faudrait plutôt considérer l'état de vie. De fait, un quadra célibataire sera sans doute plus à rapprocher d'un étudiant... alors que les parents d'un enfant de 5 ans pourront peu ou prou être mis dans le même sac, qu'ils en aient 25 ou 45.

 

Ca donne à considérer un état de vie nouveau pour les jeunes adultes

M6 Publicité a ainsi réalisé une étude, synthétisée par Florence Berthier pour Influencia.net le 12 juin dernier, qui se focalise sur la période des premières fois. Ca reste lié à l'âge pour ne pas perdre tout repère, mais le fait de le rassembler sous ce vocable des « nouveaux adultes » montre bien la prééminence de l'expérience de vie sur le nombre de jours passé sur terre.
M6 voit commencer cette période vers 25 ans... Ca aurait pu débuter avant car on y entre quand on termine les études pour démarrer dans son 1er job ou entamer la galère de la 1è recherche d'emploi. Quand on entre dans son 1er appartement payé avec son argent.
On en sortirait vers 34 ans... c'est aussi arbitraire mais difficile de cibler un âge où le temps n'est plus celui de la 1ère fois... sauf à déterminer celui de la 2è, ou plus sérieusement l'âge où on commence à s'habituer, à être plus à l'aise... voire à se blaser, à s'ennuyer (éventuellement in fine à divorcer).

C'est un âge fondateur pour chacun. C'est toujours émouvant une première fois et, réussie ou ratée, on s'en rappelle toute sa vie, elle sert de référentiel pour prolonger ou améliorer les choses. D'où l'intérêt des marques pour cette période. Se positionner auprès des consommateurs à ce moment charnière, c'est prendre rang pour la suite et les marques ont bien compris l'intérêt de connaître les personnes dans cette situation, de partager leurs expériences, de le leur faire savoir, et de rentrer en connivence avec eux.
« Il est très important de s’adresser à ces nouveaux adultes le plus tôt possible, car si on les capte, on s’inscrit dans une dynamique de croissance », expliquent Carine Groz, directrice de Groupe Etudes et Marion Bories, chargée d’études à M6 Publicité. « Elevée au Nutella et toute pétrie des codes de l’enfance, cette cible est d’autant plus importante à séduire qu’elle est constituée de 8 millions d’individus soit 12% de la population française. »

Le raisonnement tient aussi la route pour les collectivités locales. Autant prendre la mesure de ces jeunes adultes responsables... qu'on va servir et/ou subir directement pendant toute la suite de leur vie.
Surtout, autant mettre au point des produits et des façons de leur répondre à une période de leur vie où ils vont en avoir le plus besoin. Car cet âge est celui où on doit s'équiper, faire garder bébé, et les moyens financiers sont très limités, proportionnellement à l'ancienneté minimum.
« C’est la période où on a quitté définitivement le nid de « papa et maman », où on est -enfin- pleinement adulte. Pourtant on est encore en pleine construction : alors on est excité, on veut tout explorer, on s’investit à fond dans son job, ses relations amicales ou amoureuses, sa famille naissante, son association, ses loisirs, ses voyages, ses passions… On est mobile, curieux : alors on est précurseur, à l’affût des nouvelles offres, d’expériences inédites, friand d’innovation… On construit un foyer mais sans schéma prédéfini ».

 Si le budget est serré, il n'est pas pour autant une limite intangible. Le nouvel adulte veut se poser ses propres limites, issues de ses choix. Alors OK pour ce qui pourrait passer pour du superflu (sorties par exemple, vêtements de marques...) si c'est une priorité personnelle, même s'il faut se serrer la ceinture sur des choses plus basiques comme la nourriture. « Rien n’est impossible. Ils se débrouillent pour assouvir leurs petits plaisir et leur gros besoin de consommer. A commencer par les marques de leur première jeunesse. On investit dans son logement, on l’équipe avec un écran plat, une machine à café, un vrai bon lit, un canapé confortable (surtout si on est en couple pour recevoir), dans un lave linge ou une voiture, avec l’arrivée de bébé. On suit ses envies, ses coups de cœurs, on adore le design, l’esthétisme, le luxe, la haute technologie… C’est aussi le temps des premières contraintes et responsabilités, où on manque de temps et où il faut rembourser les premiers prêts. »

 

Ca donne à fonder une nouvelle relation sur des attentes différentes

Dans ce cadre-là, les marques sont invitées à préempter un territoire... à vie. Et ce dans 5 directions majeures selon Marion Bories pour qui « les marques ont un rôle transactionnel mais sont aussi porteuses de sens, en les accompagnant dans la construction de leur identité :

  • Les marques de leur enfance sont transgénérationnelles. Elles génèrent confiance et habitude. Ariel (« Comme ma mère »), Oasis ou Signal surfent sur la tendance.
  • Les marques de leur «prise d’indépendance», car elles sont synonymes de leur émancipation de leur libre arbitre. ING Direct en fait partie. 
  • Les marques de leur premier salaire, s’inscrivent dans le registre du plaisir. Et souvent ce sont des marques premium et de luxe, comme Agnès B., Chloé, Chanel…
  • Les marques de l’installation en couple. C’est le temps des compromis mais prime à la jeune femme qui éduque son compagnon. Ainsi 66% achètent des marques nationales en plus des MDD.
  • Les marques de l’arrivée d’un enfant. Les jeunes parents veulent le meilleur, le bio et choisissent des valeurs sûres qui rassurent, comme Hipp. »

Les collectivités peuvent (doivent) aussi prendre leur place à cette période clé, en montrant leur vocation de service sur ces 5 dimensions. La Ville notamment va s'inscrire dans la continuité du rôle joué pendant l'enfance en soutien à leurs parents (équipements sportifs, centres de loisirs, médiathèque...) et peut ainsi s'appuyer sur un a-priori positif à transformer.
La transformation doit justement être réussie dans la prise d'indépendance et dans l'installation (en couple ou pas d'ailleurs) en facilitant ce passage. Une attention toute particulière sera ainsi portée à la facilité des inscriptions aux services apportés par la collectivité, et notamment à leur déploiement via internet, hors horaires de bureaux, au paiement en ligne, etc... Le fait de porter sur les fonds baptismaux cette nouvelle installation, via un message fort aux nouveaux arrivants par exemple, positionne aussi favorablement la collectivité.

Le registre du plaisir est un axe évident également pour les collectivités qui savent bien aujourd'hui générer des événementiels fédérateurs... et y laisser leur marque, tout comme la prise en charge des enfants (modes de garde, scolarité) est un champ majeur d'activité pour les communes, interco et conseils généraux.
Dans le prolongement de ces événements de la vie fondateurs d'une relation marque/consommateur à long terme, « une étude Nielsen menée en 2012 par Isabelle Kaiffer, montre que sur 250 catégories de produits, celles qui ont réussi à rajeunir leur clientèle en tablant sur des critères tels que la praticité, le gain de temps, ou le budget, sont aujourd'hui en croissance. Sans oublier l’innovation : tout ce qui est en dosettes ou capsules (café ou lessive) remportent leurs faveurs, même si c’est plus cher. »
Aux collectivités donc de montrer, elles aussi, qu'elles peuvent innover et apporter plus de service.

 

Ca donne à ne pas jeter la télé avec le bébé

Il est bon de savoir à ce sujet que « les 25-34 ans sont très technophiles, ultra connectés, et que leur nouveau style de vie les pousse à passer plus de temps chez eux. Ils sont 72% à consulter Internet tous les jours et y consacrent 44 minutes (Vs 31 mn pour les 15-24 ans et 42 mn pour l’ensemble de la population). Pourtant ils ne sont pas addicts au digital. Ils ont à priori fait leurs expériences et savent qu’il faut éviter la surexposition ou les excès. Ils recherchent la praticité (faire les courses, fixer un rendez-vous…) ou l’échange. »

Pour autant, internet n'est pas la réponse automatique pour les toucher, dans leur consommation de services comme dans leur consommation de médias :
« Ils sont moins mobinautes mais plus téléphiles avec une consommation télé qui gagne 1h30 de plus en dix ans et ils sont 87% à se coller devant tous les jours (source : Mediamétrie Mediamat). Cette passion pour ce média relève à la fois de la qualité de leur écran « très plat et très grand », de pouvoir enfin regarder le programme de leur choix quand ils veulent, sans plus subir le diktat de leurs parents. Sans compter l’arrivée d’un enfant qui les prive de sorties. Seuls ou à plusieurs c’est leur moment de détente. De plus, ils se régalent des nouveaux usages : le deuxième écran, la TV de rattrapage, et ne font pas la distinction entre les supports et les horaires. Seul compte le programme.
Gros consommateurs media, la télévision n’est pas le seul support traditionnel vers lequel ces 25-34 ans se tournent. Sous exposés à la presse, faute de temps, ils se branchent sur la radio en priorité musicale et ils regardent l’affichage, car très mobiles.  Mais cette relation là, passe aussi par les notions de plaisir et de première fois. »

Multi écrans, multitâches et multi-préoccupations, le tout avec peu de temps et encore moins de moyens : la génération des premières fois n'est pas celle qui a le loisir de revendiquer, mais certainement celle qui sera la plus reconnaissante d'une action qui réponde spécifiquement à ses attentes... et pour longtemps !