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Intervention prospective à Cap'Com 2013

Écrit par Yann-Yves Biffe. Publié dans Opinions

Votre service com demain : qu'est-ce qui va changer ?

Intervention à Cap'Com 2013 : le lien vers le support de présentation

 I - Les agents ne sont plus ceux qu'ils étaient : l'avènement de la génération Y

De nouvelles façons de concevoir le travail et l'engagement personnel, de nouveaux modes de management

A – Qui sont les agents de la génération Y

Comment reconnaît-on un agent de la génération Y ? Il a entre 18 et 30 ans environ. Certes. Mais surtout, les sociologues ont cru déceler qu’il était différent des membres des générations précédentes, et pas seulement parce qu’il est un digital native, c’est à dire né avec un ordinateur et internet entre les mains.

Julien Pouget, jeune consultant, tient un intéressant blog au titre explicite : www.lagenerationY.com.

Pour justifier de la différencier des précédentes, il définit les membres de cette génération comme multitâches (bien pour la comm’), exigeants (aussi), à l’attention limitée dans le temps (moins).

Les Y auraient aussi un quotient émotionnel important, terme pudique pour dire qu’ils laissent libre cours à leurs émotions au travail, où ils importent facilement également leurs états d’âme quand les plus anciens se fabriquaient une armure au boulot… La première fois qu’un jeune collègue pleure dans votre bureau, cela décontenance. Ensuite, on ne s’en formalise plus. Car quand ils ont perdu le fil, ils le disent. Pour la bonne raison qu’ils privilégient la quête de sens et veulent réussir leur vie, avoir du temps libre, une vie de famille et des amis simultanément à leur carrière, quitte à gérer les deux en parallèle, pendant le temps de travail comme à la maison, avec facebook ou le smartphone, les frontières devenant plus floues partout… Bref, ils ressentent les choses dans une société sensuelle, ils sont en prise directe avec leur époque, et cette connexion est bien utile et doit être utilisée à bon escient quand on veut s’adresser à tous et délivrer des messages dans les foyers.

 

BLe nouveau rôle des managers : le coaching

Pour le manager, la situation se complique. Alors que par le passé, les subordonnés étaient au service du « supérieur », même si celui-ci n’était pas cohérent ou seulement mauvais, la génération Y inverse la perspective et attend du manager une position de coach. Ils récusent les petits chefs et respectent moins pour la fonction que pour la compétence. Ils veulent être écoutés, et ce à tout moment, en flux continu. Ils veulent être respectés, reconnus pour ce qu’ils font et considérés. Le manager doit prouver qu’il est légitime. Ca va dans les deux sens et le dircom devient donc aussi 2.0 dans sa gestion des collaborateurs.

 

C - La façon de gérer les Y : le management par objectifs

Le fait d’avoir des objectifs au travail semble aller de soi. Pourtant, combien d’agents voient ainsi leur rôle seulement défini en fonction de leur profil de poste, voire du contenu de l’annonce de recrutement ?

Dans le cas d’un agent issu de la génération Y, le choc peut être plus important car la conception du poste, et la façon de le mener, peut être assez différente dans son esprit et dans celui de son encadrant d’une autre génération.

Aussi, quel que soit l’âge des parties en présence, il est souhaitable de fixer des objectifs. Classiquement, c’est lors de l’entretien d’évaluation annuel qu’ils seront fixés. Il sera plus profitable de le faire dans le dialogue, en discutant de l’intérêt d’un objectif, des façons de l’atteindre, et des moyens disponibles. Cet objectif devra être réaliste et atteignable, il devra être mesurable. Bref, il demandera une bonne réflexion pour être vraiment efficace.

L’évalué sera invité en premier à fixer les objectifs qu’il souhaite atteindre. Ca l’implique plus pour y parvenir, et parfois, il sera plus ambitieux et mettra la barre plus haute que ce que l’évaluateur aurait pu demander initialement.

3 objectifs seront retenus seulement. Mais quand ils sont bien travaillés, c’est déjà dur d’en arrêter trois vrais. Ils découleront évidemment des objectifs du service auxquels ils concourront, qui eux-mêmes s’inscrivent dans la stratégie globale de la collectivité. Aussi, il est préférable de discuter de ses propres objectifs avec sa hiérarchie avant de faire de même avec ses collaborateurs.

Si la fixation d’objectifs apporte alors un véritable confort dans les relations de travail en clarifiant le départ et l’arrivée de la mission, cela ne constitue pas en soi un remède miracle. Il est illusoire de se dire « on fixe les objectifs et on se revoit dans un an pour voir s’ils sont atteints ».

Il faut en parallèle affirmer les valeurs et priorités du service. En effet, focaliser un agent sur ses 3 objectifs peut le détourner de ses tâches courantes, mais néanmoins nécessaires, et la poursuite des objectifs devient alors contre-productive.

Il faut également faire des points réguliers, éventuellement informels, pour suivre les objectifs et la façon dont ils sont recherchés. Le Y en particulier a besoin de pouvoir se retourner régulièrement, éventuellement de façon impromptue, vers son encadrant-coach pour valider sa démarche.

Donner à chacun des objectifs sera perçu par l’ensemble de l’équipe comme une marque de respect et une égalité de traitement qui motivera tout le monde… même si la cheville ouvrière, mémoire du service, en a peut-être un peu moins besoin que d’autres (quoique…).

Le Y, lui, ne doit surtout pas y couper. Il a un mode de travail particulier du point de vue de ses ainés. Il regarde sa hiérarchie avec méfiance, passe une partie de son temps de travail sur des préoccupations personnelles et vice versa… il existe un risque pour que le Y parte sur une logique « solo » qui sera très mal vue par ses collègues… qui auront l’impression de travailler à sa place.

Parallèlement, vous ne pouvez pas le corseter dans un fonctionnement coercitif, avec multiplication des réunions et des comptes-rendus, au risque de perdre cette liberté et cette force de proposition qui le caractérisent et en font un des intérêts. Car il ne travaille pas moins que les autres, il le fait différemment, sur un rapport au temps et à l’espace plus déstructuré.

Il a besoin de confiance, il a besoin de marge de manœuvre… mais vous avez besoin de résultats ! Passez un deal avec lui : il se gère comme il veut, mais vous avez besoin qu’il atteigne les objectifs fixés ensemble. Ce cadrage va rassurer le Y, et donner des gages aussi aux autres agents du service, qui seront informés que, oui, cet agent Y a un mode de fonctionnement qui peut être différent, mais qu’il est tenu lui aussi à atteindre des résultats. En gros, chacun sa manière du moment que le travail est fait.

Les règles du jeu étant ainsi posées, cela laisse une latitude à l’agent pour gérer son activité comme il le sent… dans le respect de ses collègues et de ses missions. L’extrême dans le domaine étant l’expérience de Google, qui alloue à ses ingénieurs et développeurs 20% de leur temps pour des recherches personnelles.

On visera à inclure dans ses objectifs une part de défis, car le Y a besoin de grandir dans son travail et de s’en rendre compte. Soyez ambitieux avec lui, amenez-le sur des terrains qu’il n’a peut-être pas encore explorés mais dont vous le sentez capable. Il sera heureux de le valoriser sur son CV… et vous de l’inscrire au palmarès de votre service !

 

II – Les missions changent

Changements tirés par le numérique.

Double évolution : Le site internet va devenir une ferme de contenus.

La collectivité va faire de la relation (comme toute organisation ou entreprise) le cœur de son métier et valoriser les community managers.

 

A – Le nouveau site internet, dispositif central de l'offre de service de la collectivités

 1 – Le site, banque d'informations

Selon le Baromètre de la Communication locale toujours, et pour citer Harris interactive : « Globalement, les Français utiliseraient en priorité les supports digitaux dans le but d'obtenir des services concrets. En effet, ils déclarent chercher avant tout une information accessible en permanence (55%) et des services administratifs en ligne (45%). Ces utilisations sont particulièrement fortes chez les CSP+ (respectivement 61% et 51%) et chez les habitants de l’agglomération parisienne (59% d’entre eux cherchent des services administratifs en ligne). A l’inverse, les supports digitaux semblent peu être considérés comme des forums de discussion, comme des moyens d’échanges. Seulement 9% des interrogés voient les supports digitaux comme un moyen d’avoir une relation directe avec les élus, et 8% d’échanger avec d’autres habitants. »

D'où les internautes n'attendent pas de nos collectivités de leur apporter des réponses live la nuit ! Ces éléments nous engagent par contre à améliorer nos sites internet pour en faire de véritables banques de ressources, aussi clairs et intuitifs que possibles, dans lesquels l'administré trouvera lui-même les réponses à ses questions pratiques. Cela nous pousse également à intégrer le maximum de services en ligne afin de permettre aux e-administrés de réaliser leurs démarches de façon autonome.

 

2 – Le site, fournisseur de services en ligne... où l'administré crée de la valeur

Une des pistes pour réinventer le process de création de valeur est de confier une partie des coûts au consommateur lui-même, comme avec les produits en kit.

Dans la sphère publique, cela peut se traduire par le développement des démarches en ligne.

Si la réalisation technique est relativement aisée, le plus dur sera de réformer toute la chaîne de production, et de rassurer les agents qui ne vont plus maîtriser le fait de saisir les données. Ceux-ci pourront être ainsi dégagés de tâches qui peuvent paraître fastidieuses (mais qui ne sont pas forcément vécues comme telles), pour les orienter sur un apport plus important, sur l'évaluation de la justesse de la demande par exemple.

Les DRH doivent impérativement être associées pour intégrer cette évolution dans la GPEC et pour prévoir les formations nécessaires en la matière.

De fait, la mise en place de nouveaux processus qui débouchent sur l'usager via le numérique, touche toute l'organisation. Le DirCom devra forcément être de la partie, éventuellement porter le projet avec la DSI. Mais s'il veut qu'il réussisse, il faudra impérativement que la direction générale soit moteur.

 

Autre piste, la simplification. Se poser la question de «  ce que je fais a-t-il un sens » apporte souvent la réponse. Le contexte a changé, les technologies ont changé... il faut adapter les process en conséquence. Reprenons le cas de la dématérialisation des démarches, avec par exemple les demandes de subvention des associations. Le formulaire papier va être remplacé par un formulaire en ligne. Mais quid de la signature du président ? Une signature électronique ? Pas encore très répandue. Le scan de la signature ? Qui dit que c'est bien le président qui a signé ? Et après tout, qui dit que le président signait bien le formulaire papier ? Le scan de la carte d'identité du président ne serait-il pas plus fiable finalement ? Ou, dès lors que l'association est répertoriée, a-t-on besoin d'une signature ?

On gagnera temps et argent à épurer les démarches et les cycles de décision, mais là aussi, chacun devra s'impliquer et surtout assumer ses responsabilités, le risque sinon étant que le parapluie s'ouvre encore plus grand qu'il ne s'était refermé.

D'où le directeur de la communication devient directeur marketing... ou est remplacé par un DGA relation/services.
 

B - Le community manager comme poste clé

 1 – Les CM, autonomes et stratèges

On pourrait les imaginer très jeunes, un stagiaire en chassant un autre, à peine intégrés et inconscient des enjeux de l'organisation. Oubliez ça !

Si ça existe (encore), c'est à la marge. En effet, 49 % des community managers ont entre 26 et 35 ans, le total des plus de 25 ans étant de 61 % !

 52 % d'entre eux ont un bac +5, 33 % une licence ou un master : c'est donc une profession très diplômée, en majorité dans la communication (55%) ou le marketing (40% sur un total de réponse multiples = 123%). Comment s'en étonner ? L'animateur de communauté doit en effet être en mesure de s'adapter à son interlocuteur, de trouver la bonne forme pour faire passer le message de son employeur, le ton adéquat en fonction de la situation donnée. Bref, il faut un bon sens de la responsabilité et des enjeux, tout en faisant preuve de créativité (cf les meilleurs exemples http://www.blogdumoderateur.com/top-10-des-interventions-de-community-managers/, à lire pour rire... puis s'en inspirer).

Cette constatation pousse d'ailleurs certains Dircoms à rapprocher, voire à fusionner le community manager et l'attaché de presse, cf le recrutement d'un agent sur cette double mission au Conseil général de Saône et Loire, et la réflexion en ce sens menée dans une métropole picarde. Car effectivement, le poste demande une certaine diplomatie dans le choix des mots et une forte anticipation sur l'effet qu'il produiront, avec l'idée de s'adresser à un seul pour parler à tous.

La stratégie différencie d'ailleurs le community manager du chargé de com. Pour 68 % des community managers qui ont une stratégie digitale formalisée, 42 % se déclarent décisionnaires dans la stratégie de l'organisation sur les réseaux sociaux, 8 % se décrivant comme de simples exécutants.

Si cette autonomie était peut-être dictée par une relative incompétence ou indifférence de la direction dans les premiers temps (qui ne remontent pas non plus à la préhistoire, mais pas loin, vers 2009 en gros), ce n'est plus le cas. 81 % se sentent mieux compris dans leur entreprise, 72 % disent avoir une importance croissante dans leur entreprise et 68 % constatent une meilleure compréhension des enjeux des médias sociaux. Cela explique peut-être que 75 % ont aussi vu leur charge de travail augmenter... alors que 30 % seulement ont vu leur budget faire de même.

 Celui-ci est majoritairement inférieur à 5000 €, 20 % disposant de plus de 20.000 € pour mener des actions sur les réseaux sociaux. Pour les employeurs, le véritable levier de la qualité de l'animation en ligne réside donc dans l'animateur en lui-même !

En lien avec cette prise de conscience de l'importance du community manager, ils sont majoritairement (53%) en CDI, 16 % étant en CDD, seuls 16 % sont en stage ou contrat d'apprentissage (on peut s'interroger sur les 3 % bénévoles ou en recherche d'emploi et sur les 12 % qui manquent...).

  

2 - Les champs d'intervention des community managers sont de plus en plus ouverts et éclipsent le webmaster

Le community manager ne fait pas que du community management. Seuls 26 % y consacrent plus de 80 % de leur temps, 37 % y consacrant moins de 40 %. 20 % d'entre eux portent d'ailleurs le titre de chargé de communication web.

Les objectifs fixés par l'entreprise sur les réseaux sociaux sont la notoriété de la marque pour 85 % des sondés, l'acquisition de nouveaux clients pour 69 %, la fidélisation des clients actuels pour 68 %. Les retours presse émergent à 26 %, le recrutement à 19 %.

Pour atteindre ces objectifs, facebook et twitter concentrent sans surprise la majorité de l'activité.

La présence en ligne assurée par les community managers vise à 96 % facebook, 91 % twitter, 79 % le site institutionnel, 59 % un site de vidéo. LinkedIn et Viadeo sont utilisés par 56 % d'entre eux... comme Google Plus, devant Pinterest à 43 %.

Les community managers identifient plusieurs sources de communautés : 48 % utilisent directement le site institutionnel pour agréger une communauté, alors qu'ils sont 66 % à intervenir sur l'ensemble du web pour s'adresser à une communauté plus volatile, les réseaux sociaux permettant de s'adresser à un parc plus identifié et utilisé comme tel à 93 %.

En termes de fréquence : 37 % des animateurs de communautés postent plus de 10 tweets par semaine, 31 % plus de 10 posts facebook sur la même période. A l'inverse, 78 % font une contribution ou moins par semaine sur viadeo, 80 % sur Youtube.

Sur les tâches réalisées, la situation a évolué par rapport à l'an passé, consacrant l'enrichissement des contenus : la création des contenus occupe plus de 5 h par semaine pour 45 % des community managers contre 30 % en 2012, l'animation 42 % contre 36 %, la veille baissant relativement, de 31 % à 23 % en 2013.

Notons au passage que le temps d'activité ne s'apprécie pas en rapport des 35 h hebdomadaires légales : 80 % affirment continuer leur travail en dehors des plages horaires classiques. A rapprocher du fait que 75 % travaillent sur smartphone (+9 points vs 2012) et 29 % sur tablette (+5).

71 % des community managers se concentrent uniquement sur les médias sociaux. Les 29 % qui mènent des campagnes dépassant le simple cadre des médias sociaux utilisent la presse (par 78 % d'entre eux), l'affichage (41 %) et la radio (40 %), devant la TV (35 %).

 

III - Le changement majeur : la communication interne

 Sous la double influence de l'avènement de la génération Y et de celui du community manager, on en vient à considérer l'interne comme une communauté

 A la marge apparaît comme une évidence un élément qui me tient à cœur : le community management n'est pas seulement une mission de communication externe.

En effet, 21 % des community managers animent une communauté interne à l'entreprise. Cette donnée est corroborée par le fait que 20 % des sondés interrogés sur leurs dispositifs de présence en ligne disent intervenir sur des réseaux sociaux internes ou d'entreprise.

Alors soit 1/5è des community managers sont des chargés de com interne, ce qui serait une proportion conséquente jamais relevée jusqu'alors, soit 1/5è des community managers gère de la com interne en même temps que de la com externe. L'étude ne permet pas de le préciser. Quoi qu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, cela doit changer la perception qu'on a généralement de ce métier, et sans doute de la façon qu'on peut avoir de l'enseigner, en ne se focalisant pas sur l'externe ou sur Facebook.

Cela consacre aussi et surtout que certains ont pris conscience, surtout dans les entreprises il faut le reconnaître, que le fait de parler aux agents insuffle une relation personnelle qui marchera d'autant mieux qu'elle prendra des formes plus légères et conviviales sans rien ôter au sens du travail, bien au contraire.

Et si dans les collectivités publiques, on remplaçait les notes de services par des posts ? Si on parlait à des personnes plutôt qu'à des feuilles de papier ? Bref, si les managers devenaient tous des community managers ?