Les Français attachés à des services publics de proximité, mais plus efficaces
Le nouveau Président et son gouvernement vont s’attacher à réduire les déficits publics. Peuvent-ils le faire en réduisant le services publics de proximité ? Les Français ont dit non : indirectement dans les urnes en votant FN, et dans un sondage ici présenté. Les usagers pensent-ils pour autant ces services publics comme immuables ? Non, ils souhaitent les voir évoluer pour qu’ils soient pleinement en marche.
Le nouveau président de la République Emmanuel Macron a beau sur plusieurs aspects passer pour un magicien (ou avoir beaucoup de réussite), il va être rapidement confronté à la réduction du déficit public. Et si beaucoup de questions se posent sur la politique que va mener le nouveau gouvernement, les collectivités savent que leurs ressources vont être encore être réduites.
Quand, comment, de combien, ça reste à préciser, mais la baisse des subventions en provenance de l’État, c’est sûr que ça va baisser, surtout si parallèlement la taxe d’habitation devait être supprimée.
Emmanuel Macron et Edouard Philippe vont se retrouver dans un bureau, éventuellement avec quelques conseillers, et le président va poser la question « Comment on fait pour réduire le déficit public ? » Personne ne va oser dire « on va augmenter les recette en augmentant les impôts ». Alors quelqu’un va oser dire ce que tous pensent tout bas : « on va réduire les dépenses ». Ouais, bonne idée ça, réduire les dépenses, les Français vont aimer ça, ils vont dire qu’on est des bons gestionnaires ! Sauf que la recette miracle, elle est déjà appliquée depuis plusieurs années, que les surplus éventuels ont été bien entamés, et que réduire le budget du service public veut maintenant dire réduire les services publics. Les Français sont-ils prêts à ça ?
La MNT et la SMACL ont mené un sondage sur le rapport des Français au service public de proximité. Il a été réalisé par l’IFOP sur 4047 personnes entre le 13 et le 22 février derniers.
Ca donne à savoir que les Français sont attachés au service public
Ce n’est pas vraiment une surprise : 92 % des Français considèrent les services publics de proximité utiles sur leur territoire. 83 % s’y déclarent attachés en moyenne quand on décline chacun des services publics. Dans le détail :
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la propreté : attachés à 92 %
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la sécurité (police municipale et pompiers…) : 88 %
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environnement (eau, assainissement, déchets…) : 86 %
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établissements scolaires : 84 %
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transports, circulation : 82 %
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services au personnes âgées et dépendantes : 82 %
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loisirs et culture: 80 %
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petite enfance : 75 %
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développement économique et formation : 74 %
Ce qui est amusant au passage, c’est que les répondants ont une meilleure image des agents de la commune (75 % d’avis positifs) que ceux de l’intercommunalité (67%), du conseil départemental (60%) ou régional (59%). Plus le service public est exercé au près de l’usager, plus celui-ci est satisfait. Or, le mouvement actuellement avec le vent en poupe est plutôt celui d’une concentration, de fusions de communes, et de mutualisation vers l’intercommunalité. Au point que certaines intercommunalité sont tellement étendues qu’elles doivent créer des points de contacts décentralisés avec leurs usagers.
Attention donc à ne pas créer des frustrations du public en concentrant des services pour faire des économies d’échelles.
Quand 34 % des Français souhaiteraient autant de services publics de proximité, 54 % en souhaitent encore plus. Logiquement, pour le coup, 89 % des Français souhaitent le maintien ou l’augmentation des moyens du service public de proximité.
La bonne question à mettre en rapport serait de savoir si, en conséquence, ils sont prêts à payer plus, en impôts ou en redevances, pour améliorer ces moyens. Elle n’a pas été posée du tout mais, placée avant la précédente, elle aurait peut-être un effet minorant sur ce chiffre important.
Pour autant, cet attachement au service public au plus proche donc, n’est pas anecdotique et il est devenu un enjeu électoral majeur. Historiquement promesse de gauche, son recul dans les zones rurales ou son absence en zone péri-urbaine alimente le sentiment de délaissement d’une partie de la population, qui se considère « en marge » à défaut d’être en marche.
Difficile pour le Président Macron donc de vouloir faire de ce quinquennat celui de la dernière chance contre le FN tout en réduisant des services publics, ce qui ne manquerait pas de donner de la matière, donc des voix, à l’extrême-droite.
Ca donne à s’interroger sur qui doit assurer le service public de proximité
Si 92 % des Français considèrent les services publics de proximité utiles sur leur territoire, 83 % pensent que les agents de la fonction publique territoriale sont utiles. Surtout, 69 % sont attachés au service public de proximité.
Qu’est-ce que l’attachement ? Chacun des répondants en aura sans doute eu sa propre conception...
En tout cas, il y a une différence entre l’intérêt pour les services publics et celui pour les fonctionnaires territoriaux.
La Poste l’a bien compris. Le grand groupe postal et bancaire gère dorénavant plus de points de contacts avec les clients (on ne dit plus « usagers », trop passif, à la Poste) en externe qu’au sein même du groupe.
Dans de nombreuses communes, les services postaux sont assurés par des prestataires publics (communes) ou privés (marchands de journaux, supérettes, ou les deux à la fois…) ce qui permet de créer du trafic dans le point de vente et d’assurer une amplitude horaire plus importante.
Dans ce dernier cas, le service de proximité est assuré, répondant à l’attente du public, mais par par les agents de la fonction publique. Il y a une différence entre le caractère public du service et celui de ceux qui le réalisent.
La privatisation de la réalisation du service public peut être vue comme une alternative à défaut d’être une solution. Les délégations de service public ne sont pas une nouveauté, elles ont fait leur preuve et la privatisation de la gestion de la plage de la Baule, confiée à Veolia, en est l’exemple médiatique le plus récent. Est-ce que cette philosophie peut influencer Emmanuel Macron et ses équipes ? Ca ne serait pas impossible.
Pour autant, il faut garder à l’esprit qu’une délégation de service public demande un travail important en amont pour définir les objectifs et les conditions de la délégation. En effet, une fois le marché lancé, il est très compliqué de le modifier… sans que la puissance publique ne se trouve obligée de payer les amendements. D’autre part, une DSP demande aussi un contrôle étroit et permanent… Surtout, la qualité offerte et surtout la flexibilité vendue ne sont pas forcément au rendez-vous. Cela explique-t-il la vague récente de reprise en régie de nombreuses exploitations d’eau potable notamment ?
Ca donne à améliorer le service en lui-même… ou sa perception
Cela peut constituer au moins une incitation à faire mieux avec autant.
En effet, 67 % des Français considèrent le service public de proximité comme de qualité, 62 % comme efficace. C’est peu dans l’absolu : on peut en déduire que 38 % des Français trouvent le service public peu efficace, 1/3 comme de qualité insuffisante. C’est aussi peu quand on compare le chiffre avec les 92 % qui considèrent les services publics de proximité utiles. Il y a en creux une insatisfaction.
Il y a donc une vraie marge de progression, même si ce chiffre est trop global pour qu’on puisse vraiment en tirer des enseignements. Nos collectivités sont chacune gérées indépendamment, et la performance des unes est bien différente de celle des autres dans des domaines comparables, même si le marqueur politique se voit de moins en moins dans le service rendu au citoyen, ou plutôt à l’administré.
Au-delà, 43 % seulement des Français jugent le service public de proximité comme innovant. Pour atteindre une meilleure efficacité ou qualité, plus que des moyens supplémentaires, c’est sans doute d’autres façons de faire que les Français veulent se voir proposer. Et ça, le Président Macron, c’est peut-être une voie qu’il aura envie d’encourager...
Les Français attendent plus et mieux de leur service public de proximité. Pour autant, jugent-ils vraiment en connaissance de cause ? 54 % des Français s’estiment mal informés sur leur service public de proximité. Ils sont donc conscients de porter un jugement sur quelque chose qu’ils ne connaissent pas vraiment. La force des préjugés est très présente et sans doute pour longtemps encore...