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Anciens communicants et nouvelles municipalités : tenez le cap

Écrit par Yann-Yves Biffe.

Travailler avec une nouvelle équipe municipale, c'est possible. Il suffit juste de bien intégrer qu'elle est… nouvelle. Donc perfectible. Et ce sera sûrement grâce à vous, grâce à la pédagogie et aux conseils que vous allez apporter, bien au-delà de la simple prestation que les nouveaux élus vont vous demander au début, inconscients qu'ils sont de l'expertise que vous saurez mettre à leur service.

 

 Ca donne à refonder la relation élus-dircom

Au détour des couloirs du forum Cap'Com 2014 à Nancy, au-delà des questions d'éthique, de rapports à la presse ou de nouveaux dispositifs numériques, ce sont toujours les contre-coups des élections municipales qui bousculent les communicants publics. Rappelons que 200 des 1000 plus grosses villes françaises ont changé de municipalité en avril dernier (cf le Journal de Cap'Com 8 d'octobre 2014) et que nombre de communautés de communes et d'agglomérations leur ont emboîté le pas. Celui induit pas mal de choses à repositionner, à reconsidérer. Des projets abandonnés, et évidemment les plans de com prévus en appui. Plus extrême, des postes à quitter, quand l'envie de travailler ensemble n'est pas là, d'un côté comme de l'autre car dans le domaine, la moitié des voix suffit à emporter la décision.

Le fait qu'il soit une personne de confiance est la 2è qualité la plus citée parmi les 3 plus recherchées chez un dircom par les maires de villes de plus de 10000 habitants, selon l'étude « Les maires et la communication territoriale » menée par Cap'Com et Occurence entre septembre et octobre 2014. Difficile dès lors de s'épanouir dans un non-dit. Mais si les deux parties veulent se donner une chance pourquoi pas ?

Le nouvel exécutif va devoir apprendre à faire confiance, à s'appuyer sur l'équipe en place. Ce n'est pas inné et pour y parvenir, il va falloir lui donner des gages. Il va falloir lui prouver que ce que vous proposez et réalisez va dans son sens, sert ses objectifs, est fondé et pertinent, même si l'idée qu'il s'en faisait initialement était à l'opposée. Même si les moyens qu'il souhaitait mettre en œuvre ne sont pas ceux que vous suggérez.

En effet, la loyauté ne doit pas aller jusqu'à tout accepter, jusqu'à réaliser des actions dictées par cet exécutif alors qu'elles vous semblent être inadéquates. Tout est dans le dosage, certes, mais vous ne vous ferez apprécier de vos nouveaux patrons que si vous apportez l'avis de l'expert, pas si vous réalisez des actions pour la seule et apparemment bonne raison qu'on vous l'a demandé. Les maires n'attendent pas une carpette sur laquelle ils viendraient s'essuyer les pieds. C'est d'ailleurs assez désagréable pour la carpette.

Ca donne à préciser les rôles respectifs de l'élu et du chef de service

Votre maire ne vous demande pas de vous écraser. Enfin, pas systématiquement. La première qualité recherchée par les maires chez le dircom, c'est le fait qu'il soit un professionnel des techniques de la communication, attente de 68 % des répondants.

Pourtant, sur le terrain, cette reconnaissance de l'expertise du dircom ne semble pas aller de soi selon les premiers intéressés. C'est peut-être d'ailleurs plus le fait des adjoints au maire et conseillers municipaux que celle du maire directement.

Est-ce une défiance ou une méconnaissance ?

Il y a une logique d'acteurs à prendre en compte : les nouveaux élus cherchent leur place. Par rapport aux autres élus de la majorité, de l'opposition, par rapports aux administrés et à leurs promesses de campagne.

Ils ont besoin d'exister, de se faire repérer dans leurs nouvelles attributions, et la com peut-être une façon apparemment plus facile de s'imposer d'emblée dans ce nouvel environnement, notamment quand il faut composer avec des ingénieurs dont la matière est plus… technique, voire sacrée car mathématique. Alors que la com, tout le monde peut en faire !

C'est que le nouvel élu doit aussi trouver son positionnement face aux services, dont celui de la communication. Le nouvel élu est nimbé de sa fraîche légitimité électorale alors que les services n'ont, dans un premier temps que la légitimé d'avoir été nommés par des prédécesseurs battus. Ils oublient par là même que cette nomination s'est faite avant tout sur des critères de compétence (normalement. Si c'était politique, trouvez-vous une légitimité technique ou revenez au 1er paragraphe).

Sur la base de cette petite confusion, le nouvel élu peut penser qu'il a pour mission de mener les actions de la collectivité. Il tombe dans le classique travers technique de l'élu qui se prend pour le chef de service. Vous pouvez essayer de rappeler les rôles de chacun. L'élu n'est pas chef de service pas plus que le chef de service ne doit prendre la place et les responsabilités de l'élu. L'élu fixe les objectifs. Les cadres proposent les voies pour l'atteindre et mettent en œuvre après validation. Mais si pour vous c'est un rappel, pour lui, c'est une information. Et en début de mandat, il n'est pas forcément prêt à l'entendre. L'idéal dans le domaine passe par un petite formation collective par un tiers.

Ca donne à réaffirmer l'expertise du service communication

Sinon, le temps peut faire son œuvre mais c'est plus long. D'ailleurs, plus que le temps, c'est vous qui allez devoir oeuvrer, expliquer le pourquoi de vos préconisations, l'analyse que vous avez faite des objectifs, les raisons des choix que vous proposez, les résultats que vous pensez atteindre en fonction des cibles définies.

Alors que la compétence de votre service vous semble évidente, les réelles missions du service communication sont très mal connues des nouveaux élus. Ceux-ci ont vu les communicants prendre des photos et organiser des pots lors des réceptions, rarement travailler finalement. Le service com peut dans cette conception minimaliste passer pour un guichet où l'on vient demander un vin d'honneur ou un tract, plutôt en vert. - pour info, la couleur pantone de l'année 2015 sera le rouge bordeaux marron « Marsala ». Sachez-le, parce que si un élu vous l'apprend, vous êtes mal… - N'appelons pas à la désobéissance civique, mais au contraire, apportez à l'occasion de cette demande basique (voire injuriante du point de vue de votre équipe) un conseil qui vous replacera dans votre rôle de prescription.

Le travail pédagogique à mener est chronophage et vient en plus des actions en elles-mêmes. Mais c'est cette pédagogie progressive qui va faire ré-émerger votre expertise. Un dircom d'expérience en poste au bout de la Bretagne me disait que c'est, de toute façon, un besoin permanent, quelle que soit l'ancienneté des élus. Certes, mais cette pédagogie nécessaire qui se rangeait habituellement à la rubrique de l'entretien peut paraître d'autant plus pénible à développer pour les dircom qu'ils avaient l'impression depuis de longues années d'avoir fait œuvre de pédagogie bien comprise. Patatras, ils retombent au fond d'un trou dont il va falloir reprendre l'ascension.

La patience est de mise, il faut un délai conséquent pour repositionner toutes les pièces d'un puzzle qui a été bien secoué ! C'est à ce prix que se paie la reconnaissance de l'expertise !

Et vous, retrouvez-vous des cas que vous connaissez dans cette description ? Avez-vous une méthode à partager pour apprivoiser un nouvel élu ?