Faut-il encourager le plaisir au travail ?
Cette chronique va vous encourager à prendre du plaisir au travail. N’allez pas y voir vice ou malice, elle est cependant destinée aux majeurs, et plus précisément aux actifs à la recherche de performance toujours renouvelée.
Comment encourager la performance au travail ? Certains répondront : en augmentant les salaires. La mesure sera toujours appréciée, mais ses effets risquent fort de s’épuiser rapidement. La performance vient de l’envie (cf chronique « l’envie d’avoir envie »), elle est donc intrinsèque de l’agent lui-même.
Gilles Charpenel, dirigeant d’Implica, société de conseil en communication et management, s’inscrit dans cette idée, dans le sens où l’envie prend sa source dans le plaisir. Et pour lui, c’est le plaisir de l’agent qui génère son niveau d’engagement et sa recherche de performance.
D’où l’utilité pour les employeurs, et précisément les managers, de rechercher le plaisir de leurs agents ! Interrogé par Bruno Cohen-Bacrie pour La Lettre du cadre territorial de janvier 2019, l’auteur de Le plaisir, nouvel enjeu du management chez Maxima éditions, nous aide à cerner les ressorts de cette notion de plaisir, toujours difficile à identifier précisément.
Ca donne à penser que le plaisir n’est pas le confort
Le bonheur est un état de finitude qui n’implique pas de recherche. Une fois atteint (si c’est possible), il ne donne pas envie d’aller chercher un autre état, juste à ce contenter de celui-là.
Pour autant, le bonheur, au travail ou ailleurs, est difficile à définir donc à atteindre. Donc pour contribuer au bonheur du salarié, on cherche en règle générale à améliorer son confort.
Là aussi, l’effort est louable et apprécié. Il est en plus collectif, objectivable et mesurable. On peut opposer un plan d’amélioration des conditions de travail à un syndicat ou à un CHSCT. Pourtant, selon Gilles Charpenel, « le confort, auquel on s’habitue naturellement, n’est jamais suffisant ; il ne constitue ni un facteur d’engagement, ni une voie vers l’accomplissement ».
Dans cette posture, on vise à atténuer la peine associée à l’obligation de travailler.
Or, le travail peut être un facteur d’épanouissement, un moyen de réalisation personnelle.
Pour Gilles Charpenel, l’épanouissement au travail passe par deux dimensions majeures.
La sociabilité (« mes collègues, mon patron sont sympas ») est la première. De l’expérience que j’en ai, la majorité des personnes rencontrées en entretien de recrutement répondent en effet à la question « qu’est-ce qui est le plus important pour vous dans votre travail » par « une bonne ambiance avec mes collègues ». La question en devient barbante.
Essayez plutôt « qu’est-ce qui vous fait kiffer dans votre travail ? ». Effet de surprise garanti. Après quelques secondes de réflexion, le candidat en vient à vous parler de son intérêt au travail (« ce que je fais m’intéresse »).
La combinaison de ces deux dimensions incite à favoriser une bonne communication au sein de l’équipe, un grand classique, mais dont l’excès peut pousser… à moins travailler, ou en donnant à ce plaisir social toute la place au détriment de l’intérêt individuel.
Cet intérêt individuel est plus difficile à cerner. Il passe par une bonne connaissance des collaborateurs, et notamment une approche sérieuse de l’entretien annuel. Il est évidemment très variable d’une personnalité à l’autre. Certains aiment être câlinés, certains aiment être secoués... Il demande surtout une vraie prise de recul par rapport aux objectifs de l’organisation. Ainsi, les opérations taylorisées apportent une grande efficacité et une rentabilité à court terme. Mais, par leur répétitivité et le manque de stimulation qu’elles induisent, elles réduisent l’intérêt à quasi rien… la performance chutent alors considérablement.
Il faut donc savoir perdre du temps, laisser une part importante à l’initiative de l’agent, selon ses moyens, pour générer chez lui ce plaisir individuel… ou collectif qui va entraîner la performance.
Ca donne à constater que le plaisir peut coexister avec le stress
L’initiative individuelle, même dans un cadre balisé, comporte une part de risque, qui peut générer un stress. Et ce stress peut être accepté s’il est intégré comme étant une étpae transitoire vers l’atteitne d’un but apportant un plaisir supérieur. C’est donc très différent de la notion de confort qui rime plutôt avec tranquillité et environnement rassurant.
Ainsi pour Gilles Charpenel, « cela peut sembler paradoxal, le risque – le défi à relever ou tout simplement le fait de décider librement de ce que l’on va faire (et donc de pouvoir se tromper) multiplie le plaisir de la réussite. »
L’employeur n’aurait donc pas intérêt à sécuriser ses agents, mais à leur proposer des défis, à leur portée, afin de les remporter. La dimension de l’autonomie est ici importante, le plaisir à réaliser une tâche basique complètement balisée étant bien moindre à celui ressenti lorsque l’agent va analyser le problème, définir une réponse et la mettre en œuvre. Ceci va leur permettre d’augmenter leur estime de soi et de s’attaquer ensuite à des défis plus importants.
C’est la définition de la délégation et plus largement de la responsabilisation, bien différente d’une mise à l’épreuve qui pourrait inhiber le collaborateur. La différence tient dans la confiance que doit transmettre le manager, qui va accompagner, guider son collègue dans sa prise de risque, dans la mise en oeuvre de sa créativité.
Pour résumer, « le manager qui, réellement, communique et responsabilise, crée les conditions dans lesquelles les managés peuvent prendre plaisir à travailler et, de ce fait, créer davantage de valeur pour leur organisation ».
Ne culpabilisez donc pas si vous êtes heureux d’aller travailler et surtout, faîtes en sorte d’inciter vos collègues à faire de même !