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Communication en période préélectorale : A partir de quand faut-il vraiment faire gaffe?

Écrit par Yann-Yves Biffe.

 

Combien de temps avant les élections faut-il particulièrement faire attention en ce qui concerne la communication des collectivités ? La question va prendre de plus en plus d’importance à mesure que l’on va se rapprocher des élections. Ceux qui ont de l’expérience disent 1 an, les textes disent 6 mois mais avant aussi ils disaient 6 mois mais c’était un an. Qui croire ? Mettons fin au suspense : c’est 6 mois, même si ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi au préalable. Et voilà pourquoi...

La question a agité la liste de discussion de Cap’Com fin octobre, et elle va forcément revenir à intervalles cadencés, aussi régulièrement que reviennent les élections.

 

Ainsi, Lucrèce y interrogeait ses pairs : « nous aimerions refondre notre magazine municipal premier semestre 2019. Il me semblait que nous étions tenu par la période des 1 an avant élections municipales (soit 1er mars 2019) mais notre service juridique nous parle exclusivement de la règle des 6 mois. Qu’en pensez-vous ? »

Ce à quoi Bruno répondait : « La règle des “un an” s’applique à toute nouvelle action de communication. Celle des 6 mois concerne l’interdiction de promouvoir l’action de la collectivité ».

Les plus expérimentés, avec Bruno, avaient bien en tête qu’il y avait 2 échéances à surveiller. Parce qu’il y a deux restrictions légales qui se complètent. Ce que rappelait Rolande Placidi, avocate, dans la lettre de Cap’Com du 17 septembre 2018 :

« La communication institutionnelle est soumise à deux dispositions essentielles du code électoral en périodes préélectorale et électorale : celles des seconds alinéas des articles L. 52-1 et L. 52-8. »

Regardons de plus près :

Ca donne à considérer que le socle de vigilance, c’est l’article L 52-1 basé sur 6 mois

Le texte du second alinéa de l’article L. 52-1 est limpide : « à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ».

C’est la promotion directe de l’action du sortant-candidat par une collectivité quelle qu’elle soit qui est ciblée ici. Ce sont les situations les plus claires et le piège le plus grossier… parfois tentant pour des candidats mais plutôt facile à prévenir.

Son terme est identifié : 6 mois avant le 1er jour du mois de l’élection. Election en mars 2020, donc extinction de la valorisation des réalisations et autres propos trop laudatifs à partir du 1er septembre 2019, et pas le 1er octobre.

Mais il y a un complément.

Ca donne à penser que l’article L 52-8 élargit le champ de vigilance

Comme le précise Jean-Louis Vasseur, avocat associé du cabinet Seban et associés dans la Gazette des Communes du 9 mars 2017 : L’article L.52-8 interdit à toute personne morale, de droit public ou privé, d’apporter une aide, quelle qu’en soit la forme, à la campagne d’un candidat. Ainsi, « les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

Là, c’est plus large, c’est la disposition qui pousse les services juridiques, à dire : «si c’est mieux qu’avant, ça peut être suspecté de favoriser le sortant (avantage indirect), donc non ». Du coup, les services com l’interprètent comme : « on fait comme les années passées, on ne change rien, on ne consacre pas plus de moyens qu’au préalable, au risque, dans le cas contraire, que ces dépenses supplémentaires soient intégrées a posteriori au compte de campagne du candidat »… ce qui pourrait invalider l’élection en cas d’écart de voix réduit ou de dépassement du compte de campagne.

OK, mais pendant combien de temps avant l’élection ?

Toujours selon J-L Vasseur, cet article L 52-8 est conjugué « avec les dispositions de l’article L.52-4 du code, qui définissent la période durant laquelle le mandataire financier du candidat recueille les fonds et effectue les dépenses relatives à la campagne de son candidat. Cette dernière période est du coup, aux yeux du juge électoral, celle durant laquelle les collectivités ne peuvent faire de dons aux candidats, leur apporter quelque aide que ce soit dans leur campagne. Sa méconnaissance peut entraîner l’annulation de l’élection, le rejet du compte de campagne du candidat et son inéligibilité pour une durée allant jusqu’à trois ans, en cas de fraude.

La durée de la prohibition résultant de la combinaison de l’article L.52-4 du code électoral était, jusque-là, d’une année ».

Comme c’était plus large en risques et en temps, on avait tendance à considérer cette disposition comme la plus contraignante, donc à simplifier en disant : « 1 an avant les élections, plus de nouveaux dispositifs de communication. On actualise l’existant pour ne pas prendre de risque. »

Ca donne à intégrer que le code a changé

Or, la loi du 25 avril 2016 en son article 2 modifiant l’article L.52-4 du code électoral a réduit cette durée à six mois : « Au deuxième alinéa de l'article L. 52-4 du même code, les mots : « l'année » sont remplacés par les mots : « les six mois ».

Elle a donc ainsi mis à bas la jurisprudence calendaire qui nous servait d’assise et qu’il nous faut mettre à jour.

La même loi a, au passage, précisé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut « recourir à des experts à même d'évaluer les coûts des services et des prestations retracés dans les comptes de campagne et de l'assister dans l'exercice de sa mission de contrôle » et ainsi reconsidérer les aides apportées indûment à la valeur estimée par la Commission, pas au prix présenté par le candidat et la collectivité fautifs.

Donc, la période de vigilance qui résulte du combo articles L52-8 et L52-4, c’était bien 1 an, mais maintenant, c’est 6 mois.

Conclusion (comme il se doit dans toute analyse juridique qui se respecte même à vocation vulgarisatrice et didactique) : Vigilance 6 mois avant les élections dans un cas et 6 mois dans l’autre dorénavant. Mais comme les 2 périodes ne s’additionnent pas, le communicant public sera doublement sur ses gardes « seulement » 6 mois avant les élections !