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Un peu d’Italie pour relativiser l’urgence de la communication publique...

Écrit par Yann-Yves Biffe.

 

Quand la pression est trop forte, quand on pense qu’on n’arrivera pas à tout faire, une bouffée d’air italien ou mieux, un petit coup d’oeil là-bas, sont tout particulièrement indiqués. L’essentiel y est de faire, et peu importe si le public n’en prend conscience que tardivement et à ses dépends. Il n’avait qu’à se renseigner. Ca aide parfois à relativiser !

Je repense souvent à mes dernières vacances en Italie. Ce n’est pas tant de la nostalgie, que le quotidien me pèse ou que le soleil me manque – quoique – mais plutôt que la gestion de la communication utilitaire de proximité dans la région romaine m’y a interrogé et me donne, depuis, encore souvent matière à réflexion.

 

Cela n’a rien de condescendant. Les Italiens sont au moins aussi modernes que nous et utilisent la vidéo, l’affichage dynamique, les applications pour smartphones... Mais les dispositifs d’information plus simples ne leur semblent pas aussi nécessaires qu’à nous. On est certainement là en face d’une différence culturelle.

Ca donne à penser que les pouvoirs publics ne se préoccupent pas de leurs usagers

Cela pourrait ressembler à une anecdote. La Ville de Rome diffuse et affiche des plans du Forum, vaste étendue de ruines de l’empire romain au coeur de la cité. Sur ce plan est indiqué une sortie au fond du secteur, en contrebas du Capitole. Cette sortie est indiquée par des panneaux. Sauf qu’une fois arrivé à cette sortie, on découvre qu’elle est condamnée pour cause de fouilles. Impression confirmée par les agents en place dans le secteur, qui conseillent de sortir par une autre sortie, bien éloignée.

Les fouilles étaient programmées, durent depuis longtemps et encore pour longtemps. Combien de millions de visiteurs vont venir se casser le nez pour mieux rebrousser chemin, faute d’un panneau indiquant la condamnation de la sortie ?

Ce pourrait être un exemple isolé. Mais le réseau de bus est également déroutant. Pour un néophyte, une ligne 2 et une ligne 02 sont les mêmes. Grave erreur.

De plus, en zone semi-urbaine, les arrêts portent tous le même nom s’ils sont sur la même voie. Pas grave, il y a un avertisseur d’arrêts. Sauf que si personne ne demande l’arrêt précédent, cet avertisseur n’est pas indexé sur l’arrêt suivant…Sans parler du chauffeur de bus emporté dans une conversation passionnée pendant une demi-heure avec une personne croisée là au pied de son véhicule, et qui oublie sans aucune gêne l’horaire de départ indiqué sur les panneaux. Les personnes que cela indispose peuvent aller lui en parler, ce qui peut générer une nouvelle demi-heure de discussion...

Alors, ces fournisseurs de services publics, n’ont-ils pour seule vocation que de réaliser leur prestation ? Ne pensent-ils pas à la façon dont les usagers vont les utiliser ? Ne peuvent-ils pas intégrer un zeste de pensée marketing dans leur information de proximité ?

En France, cela serait considéré comme de la légèreté pour le moins, pour un défaut de communication plus sûrement. La communication de proximité vise à rendre le service ou la prestation la plus efficace possible, en diminuant au maximum les contraintes pour l’usager.

Faire perdre 15 mn à une personne est une expérience personnelle négative, qui chez nous peut faire tâche d’huile, se transformer en mauvaise réputation et/ou en un bad buzz via les réseaux sociaux.

A plus large échelle, multiplié par le nombre de personnes échaudées, c’est à une réelle destruction de temps macroéconomique que nous assistons médusés.

Dans certains cas, je pense à l’information ferroviaire par exemple, cette légèreté a pu conduire à des drames. L’exactitude est aussi un facteur de sécurité y compris physique.

Ca donne à penser que la réactivité importe plus que la communication

Si cette communication très partielle peut nous sembler bien imparfaite à nous Français, cela n’est apparemment pas vécu comme un manque de l’autre côté des Alpes.

Il y a une forte tradition de l’oralité. La transmission par bouche à oreille reste un canal prioritaire. Oubliés les modes d’emplois : on a l’habitude de faire, on le partage, la parole est là et les gestes l’accompagnent. Et puis il fait beau et chaud, un petit détour ou un petit délai ne font finalement pas de mal...

L’Italien conjugue également au quotidien un forme de fatalité résumée dans l’expression « Che sarà sarà », ce qui doit arriver, doit arriver. Autrement dit, en Italie, on essaie, ça marche tant mieux, ça rate on recommence autrement, on s’adapte et on se projette sur quelque chose d’autre. Il y a une prédominance de l’expérience personnelle couplée à une forte réactivité.

C’est finalement une vraie leçon. L’information n’a pas été transmise, la promesse n’est pas conforme à la réalité et… rien. Rien ne se passe et la terre continue de tourner !

Parce qu’on n’est pas en Italie, on ne peut pas faire pareil. Il y a une attente de précision, de prise d’engagement qui doit être satisfaite et vaut presque contrat juridique, de plus en plus forte en France. Les communicants doivent s’y conformer.

Pour autant, quand le programme a changé, quand un parcours a été modifié, quand une livraison a été retardée, pensons à nos cousins italiens : certes les usagers vont maugréer sans doute, mais il vont constater le manque et s’adapter immédiatement pour trouver une solution transitoire… et passer à autre chose. Finalement, ce n’est pas grave ! (Sauf quand c’est vraiment grave...)