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Le Community manager, stratège du quotidien

Écrit par Yann-Yves Biffe.

Ils sont parmi nous ! Reconnaissables à leurs doigts raides à force de taper au clavier, aux yeux rougis à force de scruter l'écran, les Community Managers ont infiltré les services communication, dans les organisations publiques comme privées. Très diplômés, pas si jeunes que ça, apprenons à reconnaître ces stratèges de première ligne, vers l'externe comme vers l'interne...

 

Le blog du moderateur, RegionJob et Annov Agency ont publié fin juin une étude sur les community managers, en s'appuyant sur les réponses de 610 d'entre eux, interrogés en avril et mai 2013.

 Ca donne à voir le community manager comme un poste clé

On pourrait les imaginer très jeunes, un stagiaire en chassant un autre, à peine intégrés et inconscient des enjeux de l'organisation. Oubliez ça !

Si ça existe (encore), c'est à la marge. En effet, 49 % des community managers ont entre 26 et 35 ans, le total des plus de 25 ans étant de 61 % !

52 % d'entre eux ont un bac +5, 33 % une licence ou un master : c'est donc une profession très diplômée, en majorité dans la communication (55%) ou le marketing (40% sur un total de réponse multiples = 123%). Comment s'en étonner ? L'animateur de communauté doit en effet être en mesure de s'adapter à son interlocuteur, de trouver la bonne forme pour faire passer le message de son employeur, le ton adéquat en fonction de la situation donnée. Bref, il faut un bon sens de la responsabilité et des enjeux, tout en faisant preuve de créativité (cf les meilleurs exemples, à lire pour rire... puis s'en inspirer).

Cette constatation pousse d'ailleurs certains Dircoms à rapprocher, voire à fusionner le community manager et l'attaché de presse, cf le recrutement d'un agent sur cette double mission au Conseil général de Saône et Loire, et la réflexion en ce sens menée dans une métropole picarde. Car effectivement, le poste demande une certaine diplomatie dans le choix des mots et une forte anticipation sur l'effet qu'il produiront, avec l'idée de s'adresser à un seul pour parler à tous.

La stratégie différencie d'ailleurs le community manager du chargé de com. Pour 68 % des community managers qui ont une stratégie digitale formalisée, 42 % se déclarent décisionnaires dans la stratégie de l'organisation sur les réseaux sociaux, 8 % se décrivant comme de simples exécutants.

Si cette autonomie était peut-être dictée par une relative incompétence ou indifférence de la direction dans les premiers temps (qui ne remontent pas non plus à la préhistoire, mais pas loin, vers 2009 en gros), ce n'est plus le cas. 81 % se sentent mieux compris dans leur entreprise, 72 % disent avoir une importance croissante dans leur entreprise et 68 % constatent une meilleure compréhension des enjeux des médias sociaux. Cela explique peut-être que 75 % ont aussi vu leur charge de travail augmenter... alors que 30 % seulement ont vu leur budget faire de même.

Celui-ci est majoritairement inférieur à 5000 €, 20 % disposant de plus de 20.000 € pour mener des actions sur les réseaux sociaux. Pour les employeurs, le véritable levier de la qualité de l'animation en ligne réside donc dans l'animateur en lui-même !

En lien avec cette prise de conscience de l'importance du community manager, ils sont majoritairement (53%) en CDI, 16 % étant en CDD, seuls 16 % sont en stage ou contrat d'apprentissage (on peut s'interroger sur les 3 % bénévoles ou en recherche d'emploi et sur les 12 % qui manquent...).

 Ca donne à ouvrir les champs d'intervention des community managers

Le community manager ne fait pas que du community management. Seuls 26 % y consacrent plus de 80 % de leur temps, 37 % y consacrant moins de 40 %. 20 % d'entre eux portent d'ailleurs le titre de chargé de communication web.

Les objectifs fixés par l'entreprise sur les réseaux sociaux sont la notoriété de la marque pour 85 % des sondés, l'acquisition de nouveaux clients pour 69 %, la fidélisation des clients actuels pour 68 %. Les retours presse émergent à 26 %, le recrutement à 19 %.

Pour atteindre ces objectifs, facebook et twitter concentrent sans surprise la majorité de l'activité.

La présence en ligne assurée par les community managers vise à 96 % facebook, 91 % twitter, 79 % le site institutionnel, 59 % un site de vidéo. LinkedIn et Viadeo sont utilisés par 56 % d'entre eux... comme Google Plus, devant Pinterest à 43 %.

Les community managers identifient plusieurs sources de communautés : 48 % utilisent directement le site institutionnel pour agréger une communauté, alors qu'ils sont 66 % à intervenir sur l'ensemble du web pour s'adresser à une communauté plus volatile, les réseaux sociaux permettant de s'adresser à un parc plus identifié et utilisé comme tel à 93 %.

En termes de fréquence : 37 % des animateurs de communautés postent plus de 10 tweets par semaine, 31 % plus de 10 posts facebook sur la même période. A l'inverse, 78 % font une contribution ou moins par semaine sur viadeo, 80 % sur Youtube.

Sur les tâches réalisées, la situation a évolué par rapport à l'an passé, consacrant l'enrichissement des contenus : la création des contenus occupe plus de 5 h par semaine pour 45 % des community managers contre 30 % en 2012, l'animation 42 % contre 36 %, la veille baissant relativement, de 31 % à 23 % en 2013.

Notons au passage que le temps d'activité ne s'apprécie pas en rapport des 35 h hebdomadaires légales : 80 % affirment continuer leur travail en dehors des plages horaires classiques. A rapprocher du fait que 75 % travaillent sur smartphone (+9 points vs 2012) et 29 % sur tablette (+5).

71 % des community managers se concentrent uniquement sur les médias sociaux. Les 29 % qui mènent des campagnes dépassant le simple cadre des médias sociaux utilisent la presse (par 78 % d'entre eux), l'affichage (41 %) et la radio (40 %), devant la TV (35 %).

Leurs outils favoris sont les outils d'analytics des réseaux sociaux (Fb Insights, Twitonomy...), utilisés par 74 % d'entre eux, devant ceux des sites (dont Google analytics) pour 73 %. Par contre, les outils d'automatisation et de programmation ne sont utilisés que par 23 %, ce qui montre l'importance assumée de l'intervention humaine dans l'animation de communauté.

Ca donne à considérer l'interne comme une communauté

A la marge apparaît comme une évidence un élément qui me tient à cœur : le community management n'est pas seulement une mission de communication externe.

En effet, 21 % des community managers animent une communauté interne à l'entreprise. Cette donnée est corroborée par le fait que 20 % des sondés interrogés sur leurs dispositifs de présence en ligne disent intervenir sur des réseaux sociaux internes ou d'entreprise.

Alors soit 1/5è des community managers sont des chargés de com interne, ce qui serait une proportion conséquente jamais relevée jusqu'alors, soit 1/5è des community managers gère de la com interne en même temps que de la com externe. L'étude ne permet pas de le préciser. Quoi qu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, cela doit changer la perception qu'on a généralement de ce métier, et sans doute de la façon qu'on peut avoir de l'enseigner, en ne se focalisant pas sur l'externe ou sur Facebook.

Cela consacre aussi et surtout que certains ont pris conscience, surtout dans les entreprises il faut le reconnaître, que le fait de parler aux agents insuffle une relation personnelle qui marchera d'autant mieux qu'elle prendra des formes plus légères et conviviales sans rien ôter au sens du travail, bien au contraire.

Et si dans les collectivités publiques, on remplaçait les notes de services par des posts ? Si on parlait à des personnes plutôt qu'à des feuilles de papier ? Bref, si les managers devenaient tous des community managers ?

Illustration : Amélie Mahaut.